Les imprimeurs et leur matériel
La Borderie nous dit : "Les deux imprimeurs restèrent huit mois à Bréhant, de décembre 1484 à juillet 1485 ; Robin Foucquet était le maître et Jean Crès l'aide ; ils ne perdirent pas de temps, ils composèrent et tirèrent au moins dix ouvrages ou volumes qui se suivirent de fort près. Tous ces incunables ont des traits communs impossibles à méconnaître, ils ont le même format (petit in-4°), le même caractère, la même justification (longueur de la ligne), le même nombre de lignes à la page et la même hauteur de page, le même papier avec le même filigrane : on dirait le même livre. Le caractère est gothique, assez lourd, peu élégant, mais très net ; le tirage est bon, noir et égal. Ces dix ou onze ouvrages forment une petite bibliothèque en langue française des connaissances les plus utiles à un homme instruit de ce temps. Ce fut évidemment l'intention de celui qui les commanda. Cinq sont relatifs à des questions religieuses, trois sont de petits traités de morale chevaleresque ; et deux renferment des connaissances pratiques utiles à tous pour la conduite de leur vie." |
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Dans "Les trésors des bibliothèques de Bretagne" Simonin écrit en 1984 : " Jehan de Rohan rencontre Robin Foucquet et Jean Crès, qui, parmi d'autres compétences, se veulent typographes. On se gardera bien d'en faire seulement des imprimeurs. Le dernier nommé saura bien en 1498 effectuer chez Pierre de Rohan, dans son château de Quintin, des travaux de tuyauterie (1) Le plus juste serait sans doute de déclarer bricoleurs en typographie nos deux habiles. Car, pour savoir faire autre chose, ils n'en maîtrisent pas moins leur art. Que l'on ouvre leur chef-d'œuvre, ces Constumes (sic) et constitutiones de Bretaigne (sic) dans l'exemplaire établi dans sa reliure d'origine que vient d'acquérir la bibliothèque municipale de Rennes, pour s'en aviser. Ils disposent d'un matériel suffisant. D'où le tiennent-ils ? Où ont-ils appris leur métier ? Sur le second point, et sans que nous puissions reconstituer leur carrière avant 1484, il est permis d'avancer une hypothèse en se fondant sur l'exemple de Jean Brito. Ce natif de Pipriac, qui appartient à la génération précédente, avait vécu à Tournai où il exerçait la profession de "maistre d'escripture (....) On suppose qu'il mourut vers 1484, au moment où Foucquet et Crès entreprennent leur travail. Pourquoi ne pas supposer que nos deux hommes étaient allés se former, comme Brito, au loin, puis que, pris du mal du pays, ils seraient revenus parmi les leurs, partager une science nouvelle ? Ce scénario serait d'autant plus probable qu'ils semblent bien avoir apporté avec eux leur matériel.
Au début des années 1480, typographes et presse sont volontiers gyrovagues. Dans les rares cas pour lesquels nous disposons d'une documentation sûre, nous sommes frappés par la fièvre itinérante qui règne dans ce qui n'est pas encore tout à fait une profession (....) Rien, nulle part ne ressemble cependant tout à fait à Bréhan. Ici l'établissement de l'imprimerie suppose une rencontre entre la volonté d'un homme, mécène potentiel et d'une presse servie par des ouvriers qualifiés. D'où vient-elle ? Après beaucoup d'autres, nous avons tenté de préciser l'origine du matériel utilisé. Or il apparaît très proche de celui d'un imprimeur flamand, Arend de Keyser, actif entre 1480 et 1490. Il convient donc de chercher du côté des Pays-Bas (....) Aux indices relevés chez le typographe d'Oudernarde, il convient d'ajouter ceux qui procèdent de l'examen des habitudes commerciales de l'époque. Nombre de ports bretons sont en relations avec le Nord. C'est un courtier nantais, Guillaume de l'Espine, qui gère, si l'on peut dire, le territoire de la Basse-Bretagne , dès 1480. De là à supposer que le trajet suivi par les livres qu'il vendait, pouvait l'être à l'occasion par des presses et du matériel en provenance des Pays-Bas, il y a un pas que nous franchirions volontiers si une preuve nouvelle fortifiait cette hypothèse. Resterait alors à établir si Foucquet et Crès sont venus de Nantes, voire des Flandres, avec leurs instruments ou bien si Jean de Rohan les a délégués pour les y aller chercher. Il nous paraît que le premier cas est le plus vraisemblable, car le matériel n'était rien sans l'art de savoir s'en servir, et il faut bien que nos deux hommes se soient formés en un lieu où l'on imprimait déjà, et sous un maître. Pour le papier, en revanche, point d'énigme, il se trouvait sur place.
Quoiqu'il en soit des origines de Bréhan, une fois l'atelier établi, c'est à Jehan de Rohan qu'il revient d'en diriger ce que nous hésitons à appeler la politique éditoriale, tant il est clair que ces presses-là affichent leur vocation égotiste, la satisfaction des goûts de celui qui les stipendie. Alors que sur le marché européen dominent, et pour longtemps encore, les textes en latin, Crès et Foucquet n'impriment qu'en français."
En juillet 1485, le travail est fini. L'imprimerie disparaît ainsi que Robin Foucquet et on retrouve trois ans plus tard Jean Crès à l'abbaye de Lanthenac, à quelques kilomètres de là, où il imprime avec de nouveaux caractères (?) trois autres ouvrages.
Au début des années 1480, typographes et presse sont volontiers gyrovagues. Dans les rares cas pour lesquels nous disposons d'une documentation sûre, nous sommes frappés par la fièvre itinérante qui règne dans ce qui n'est pas encore tout à fait une profession (....) Rien, nulle part ne ressemble cependant tout à fait à Bréhan. Ici l'établissement de l'imprimerie suppose une rencontre entre la volonté d'un homme, mécène potentiel et d'une presse servie par des ouvriers qualifiés. D'où vient-elle ? Après beaucoup d'autres, nous avons tenté de préciser l'origine du matériel utilisé. Or il apparaît très proche de celui d'un imprimeur flamand, Arend de Keyser, actif entre 1480 et 1490. Il convient donc de chercher du côté des Pays-Bas (....) Aux indices relevés chez le typographe d'Oudernarde, il convient d'ajouter ceux qui procèdent de l'examen des habitudes commerciales de l'époque. Nombre de ports bretons sont en relations avec le Nord. C'est un courtier nantais, Guillaume de l'Espine, qui gère, si l'on peut dire, le territoire de la Basse-Bretagne , dès 1480. De là à supposer que le trajet suivi par les livres qu'il vendait, pouvait l'être à l'occasion par des presses et du matériel en provenance des Pays-Bas, il y a un pas que nous franchirions volontiers si une preuve nouvelle fortifiait cette hypothèse. Resterait alors à établir si Foucquet et Crès sont venus de Nantes, voire des Flandres, avec leurs instruments ou bien si Jean de Rohan les a délégués pour les y aller chercher. Il nous paraît que le premier cas est le plus vraisemblable, car le matériel n'était rien sans l'art de savoir s'en servir, et il faut bien que nos deux hommes se soient formés en un lieu où l'on imprimait déjà, et sous un maître. Pour le papier, en revanche, point d'énigme, il se trouvait sur place.
Quoiqu'il en soit des origines de Bréhan, une fois l'atelier établi, c'est à Jehan de Rohan qu'il revient d'en diriger ce que nous hésitons à appeler la politique éditoriale, tant il est clair que ces presses-là affichent leur vocation égotiste, la satisfaction des goûts de celui qui les stipendie. Alors que sur le marché européen dominent, et pour longtemps encore, les textes en latin, Crès et Foucquet n'impriment qu'en français."
En juillet 1485, le travail est fini. L'imprimerie disparaît ainsi que Robin Foucquet et on retrouve trois ans plus tard Jean Crès à l'abbaye de Lanthenac, à quelques kilomètres de là, où il imprime avec de nouveaux caractères (?) trois autres ouvrages.
Cote : H 324 (AD22). Monastère de Lantenac : plan du premier étage.(1642)
(1) Walsby prétend qu'il pourrait s'agir d'un homonyme.